Une soirée dédiée exclusivement à Alan Glass en présence des représentants de sa succession aura lieu à notre galerie le 17 septembre en fin de journée. Plus de détails à venir!
Pour marquer le début d'une nouvelle collaboration entre notre galerie et la succession de Alan Glass, nous présentons 16 dessins datant de sa période parisienne (1954-1962). Glass explore des formes organiques et des figures hybrides, témoignant de sa fascination pour le détail et l’accumulation. L’usage du stylo-bille confère à l’ensemble une densité graphique.
Présentation
Issu de l’École des beaux arts de Montréal et brillamment formé par son mentor, Alfred Pellan, Alan Glass s’installe à Paris au début de l’année 1952 grâce à une bourse. C’est dans cette capitale foisonnante, où jazz et effervescence intellectuelle se mêlent, qu’il entame un geste artistique singulier. De fait, dès 1954, il adopte le stylo bille, récemment inventé, comme instrument de prédilection pour la réalisation de ses « dessins automatiques ».
Le jour, Glass s’instruit aux beaux arts et suit également des cours d’ethnographie et de lithographie ; la nuit, il est portier au mythique Club Saint Germain des Prés, plongeant de la feuille blanche aux effluves de calvados porté par les notes de Lester Young, sans jamais lâcher son Bic. Il élabore ainsi une œuvre dense, presque médiumnique : des entrelacs foisonnants, labyrinthiques, des volutes organiques — animaux, visages, architectures floues surgissant d’un trait continu, ininterrompu, sans lever la pointe de son stylo. Logeant dans une chambre de bonne au 5 rue Manuel, dans le 9e Arrondissement, proche du Musée Gustave Moreau. Cette proximité géographique lui permet de visiter ce lieu à plusieurs reprises. Certains de ses dessins ne sont d’ailleurs pas sans rappeler les compositions oniriques, ainsi que les motifs denses et les arabesques complexes des œuvres symbolistes.
Entre temps, ses dessins captivent les figures du surréalisme. En 1957, il rencontre André Breton et Benjamin Péret, qui perçoivent dans ses œuvres la plus pure expression d’un dessin automatique, conçu « pour aller plus vite que la conscience ». Leur enthousiasme débouche, en janvier 1958, sur sa première exposition personnelle à la galerie Le Terrain Vague, haut lieu de la pensée surréaliste, fondée par l’éditeur Éric Losfeld et fréquentée par l’élite intellectuelle du moment. Sous l’égide bienveillante des figures tutélaires emblématiques du surréalisme, cette manifestation présentait les œuvres de Glass, qui y dévoila essentiellement des dessins automatiques réalisés au stylo-bille. Traduisant avec une précision onirique la fécondité de l’inconscient, ces dessins sont d’emblée encensés comme une révélation.
Tout au long de ces huit années parisiennes, Glass s’emploie à parcourir l’Europe : des marchés aux antiquaires de Tchécoslovaquie, de Hongrie, de Grèce, de l’ex-Yougoslavie ou encore de Pologne, accumulant divers objets, des œufs de Pâques peints, des souvenirs populaires, témoins d’un monde à la fois étrange et familier. Néanmoins, si ses boîtes assemblages cheminent, elles, vers la maturité, c’est dans ses dessins au stylo que se révèle la quintessence de son art : un espace de liberté où le geste agile du surréaliste s’ancre dans la pulsion première de la création. En quittant Paris pour le Mexique après 1962, il confie environ 300 de ces dessins à l’artiste québécoise Micheline Beauchemin. Ces dessins restent en sa possession, puis sont oubliés dans sa succession après son décès. L’héritier de Micheline Beauchemin, Jean-Paul Paré, les découvre dans une grange à Grondines (Québec) et contacte Alan Glass, qui vivait à cette période au Mexique. Leur recouvrement en 2021 a été pour Glass une renaissance émotionnelle majeure, et l’occasion de se reconnecter aux origines de sa créativité.
Aujourd’hui, ces dessins font l’objet d’un catalogue paru en 2024, Drawings, Alan Glass, Paris 1954-1962. L’exposition rétrospective autour d’Alan Glass qui s’est tenue à l’été 2025, d’abord au Museo del Palacio de Bellas Artes de Mexico, puis au Musée des beaux-arts de Montréal qui lui a redonné sa place dans l’histoire de l’art contemporain canadien et international. Ce corpus de dessins témoigne de cette période fondatrice longtemps laissée invisible, véritable genèse de la pratique surréaliste chez cet artiste, qui éclaire ses développements ultérieurs, notamment dans les boîtes surréalistes, et qui laisse place au surgissement d’un univers graphique d’une finesse prodigieuse : à la fois végétal, animal, humain, cosmique — un poème visuel tissé par l’inconscient.
Alan Glass décède le 16 janvier 2023 à Mexico.
Image: Sans titre 043 (période Rue Manuel), v. 1954-1962, stylos bleu, noir et rouge et graphite sur papier, 21 x 27 cm (8,25 x 10,5 po)