Compte rendu publié dans Le Devoir
Avec «Cette lueur dans laquelle je m’épanche», Isabelle Guimond propose une nouvelle exposition marquée par sa toute récente expérience de la maternité. Devenir mère a considérablement bouleversé son rapport au temps, à la création, à son identité. Les sujets de ses œuvres et les problématiques qui l’animent ont muté de la sphère sociale à la sphère intime, domestique. Sans toutefois perdre de leur force critique ou réflective, elles s’enrichissent d’une puissance poétique. Elles témoignent d’une nouvelle disponibilité d’écoute et d’éveil au monde propice à la contemplation. Dans l’immobilité prolongée qu’exige l’allaitement et les soins du nourrisson, l’artiste s’est mise à scruter finement son environnement immédiat. Le regard s’attardant toujours sur les mêmes détails. Les variations les plus subtiles devenant un spectacle contemplatif capable d’émouvoir. Attentive à ce qui l’entoure, à ce qui se meut, à ce qui passe, à ce qui est fragile. Ces longues périodes de fixité du corps sont également propices à l’égarement de l’esprit, autorisant un certain dédoublement de présence, une superposition, une coexistence de réalités temporelles. Ces réflexions et cette nouvelle vie l’ont conduite dans la création d’un corpus dans lequel les images se doublent, se répètent dans des fluctuations laissant présumer le temps qui passe. Elles sont captées derrière des voiles, évanescentes, décolorées. Elles se chevauchent, prennent corps sur des surfaces bâties qui se détachent légèrement les unes des autres. Elles témoignent de la complexité et de la force de ce qui semble vulnérable. «Cette lueur dans laquelle je m’épanche» invite à embrasser une certaine décélération afin de se percevoir dans un horizon échappant à la soumission de la performance corporelle et de la production effrénée que l’on s’impose trop souvent.
À propos de l'artiste
Isabelle Guimond vit et travaille à Montréal et est représentée par la Galerie Simon Blais depuis 2018. Ses œuvres ont été présentées au Québec, aux États-Unis et au Mexique. Lauréate en 2014 du prix Sylvie et Simon Blais pour la relève en arts visuels, elle a également été finaliste à la Bourse Claudine et Stephen Bronfman en art contemporain. Au cours des dernières années, on a pu voir son travail à la Galerie de l’UQAM, à la Galerie B-312 (où elle a participé à une table ronde sur les enjeux de la peinture), à la galerie Les Territoires, au Centre des arts actuels Skol, à la Maison de la culture Maisonneuve et à la Galerie Simon Blais. Elle a en outre effectué des résidences au Centre Sagamie (Alma), à la Galerie B-312 (Montréal) et à L’Écart, centre d’artistes autogéré de Rouyn-Noranda où elle a exposé avec le collectif Filles Debouttes ! (Christine Major et Gabrielle Lajoie-Bergeron). En 2017, elle a présenté Autre que moi, sa plus récente exposition solo, à la Galerie d’art d’Outremont et participé aux expositions collectives Geist : la présence représentée, à la galerie Laroche/Joncas, et Insulaire, à la galerie Trois Points. Son travail a aussi été présenté dans le cadre du Conseil des arts de Montréal en tournée.
La dernière exposition solo de l'artiste, La compétition des bonnes nouvelles, remonte à 2019.
Une publication contenant un texte signé par l'artiste Paul Hardy accompagne cette exposition. Disponible gratuitement, en français ou en anglais.
Photos: Guy L'Heureux