Vernissage le 10 novembre de 17h à 20h
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Dans cette exposition,Julie Ouelletaborde, une ultime fois, la forêt de l’île Carillon, véritable toile de fond de son travail, qui lui colle à la peau depuis plusieurs années. Ce thème a pour point de départ la découverte, en 2015, d’une grange abandonnée dans les bois laissant entrevoir la nature environnante. L’œil de Ouellet a su capter la mue de ce paysage au fil des saisons. Les scènes contemplées à de nombreuses reprises se sont peu à peu cristallisées dans la mémoire de l’artiste. À présent, sa palette est presque infinie : après avoir saisi et analysé minutieusement son motif, elle a su le retranscrire dans toutes ses nuances et subtilités.
Julie Ouellet renoue ici avec la peinture au moyen de techniques comme l’huile et l’encaustique (cire d’abeille chauffée et teinte), techniques qu’elle avait peu à peu abandonnées au profit de la mine de plomb et de l’encre. Le geste (et en filigrane, la main) est toujours très présent, la ligne également, et ce, sous toutes leurs formes.
Ce nouveau corpus témoigne d’une tension au sein de la touche. Certaines des œuvres présentées n’ont, d’ailleurs, jamais été aussi affirmées, contrairement à d’anciennes séries comme Écriture du temps et Par de là la contrainte ; d’autres, comme Ma forêt à peine visible, font l’éloge du trait délicat à peine appuyé, aussi fin qu’une toile d’araignée qu’on aurait déposée sur le papier.
Parmi les œuvres présentées dans l’exposition, nous découvrons un ensemble de dessins évoquant une œuvre réalisée in situ lors de la récente rétrospective de mi-carrière de l’artiste tenue au 1700 LA POSTE (avril à juillet 2021). Cette installation éphémère composée de fils et de branches d’arbre perdure par le truchement de cette nouvelle série.
Le travail de Julie Ouellet revêt une dimension performative, car son œuvre résulte en grande partie d’un moment décisif, et parfois même similaire à une transe, « impossible à reproduire », dit-elle. Le temps de la création a donc une importance capitale. Loin de planifier ses compositions ni même de visualiser en amont le rendu final, l’artiste crée, assemble et tisse progressivement son œuvre dans l’instant présent, en proie à une frénésie qu’elle ne peut réprimer, qui jaillit d’elle dans un élan certain. À titre d’exemple, il suffit d’admirer la toile Sans retour one shot pour saisir ce qui est en jeu dans sa démarche.
Mentionnons également la technique du « grattage », qui s’impose de plus en plus dans son processus. D’abord, la composition est tracée, le plus souvent à la mine de plomb, puis l’artiste s’emploie à soulever le papier par endroits, ce grattage pouvant être parfois très dense. Ainsi, le dessin semble émerger du support même en une image très forte et non dépourvue d’une certaine poésie.
L’approche de l’artiste se fonde aussi sur un paradoxe heureux, celui d’une complexité obtenue par l’accumulation des lignes et par les directions inusitées qu’elles empruntent. Cet entrelacs aboutit à une logique interne, intrinsèque à l’œuvre. De fait, il est possible de voir dans ce désir de cohérence une simplification de ce qui constitue l’action même de « tracer ». En quête d’accident, la pratique du dessin à l’aveugle, érigée en exercice auquel Ouellet s’applique fréquemment, joue un rôle essentiel dans ses expérimentations artistiques. Cet exercice lui permet de se libérer des contraintes liées à la technique du dessin plus « académique », d’après nature, où l’on s’attache habituellement à restituer fidèlement le sujet observé.
«forêt affleure» condense les recherches de Julie Ouellet et met en lumière la diversité des techniques et des supports utilisés. Nous pénétrons alors dans un espace oscillant « entre le poids d’une peinture et la fragilité d’un dessin », pour reprendre les mots de l’artiste.
— Texte de Nora Saïeb, adjointe à la Galerie Simon Blais
Œuvre illustrée: «Écorce», 2022, encre, graphite et grattage sur papier, 20,3 x 20,3 cm (8 x 8 po). Photo: Guy L'Heureux