Le 10 février 1955, une bombe était lancée dans le petit milieu de la peinture québécoise par la publication du Manifeste des Plasticiens, signé par les quatre signataires devenus célèbres, Jauran (pseudonyme de Rodolphe de Repentigny), Jean-Paul Jérome, Fernand Toupin et Louis Belzile.
Le premier était connu pour ses très nombreuses critiques des arts visuels au Québec publiées dans le quotidien La Presse depuis plus de dix années, il était aussi peintre à ses heures, et penseur et théoricien de cette nouvelle peinture géométrique qui allait marquer un tournant définitif dans le milieu de la peinture du Québec. Les trois autres étaient ses trois jeunes amis, déjà actifs mais qui n’avaient pas encore trouvé leur véritable voie, et qui seront proches de leur « maître » durant cette période foisonnante où le milieu avait bien assimilé les enseignements des Automatistes, mais était prêt à passer à l’étape suivante. Les Plasticiens, forts des enseignements d’un Mondrian, affirmaient leur nouvelle liberté par leur manifeste :
« Les Plasticiens sont des peintres qui se sont réunis quand ils ont constaté que la similitude d’apparence de leurs peintures relevait d’une conconrdance dans leur conduite de peintre, dans leur démarche picturale et dans leurs attitudes envers la peinture, per se et dans la société humaine.
Comme le nom qu’ils ont choisi pour leur groupe l’indique, les Plasticiens s’attachent avant tout, dans leur travail, aux faits plastiques : ton, texture, formes, lignes, unité finale qu’est le tableau, et les rapports entre ces éléments. Éléments assumés comme fins.
... les Plasticiens font de la peinture parce qu’ils ament ce qui est particulier à la peinture. C’est, en outre, une conception qui correspond è la liberté isolée du peintre dans le monde contemporain.
... En étant arrivés à renoncer à peu près entièrement è toute attitude romantique de la peinture comme moyen d’expression conscient... » (extraits de la première page du Manifeste)
Ces quelques lignes extraites du Manifeste des Plasticiens donnent le ton à cette nouvelle forme d’expression qui privilégie l’absence totale de représentation, atteignable seulement par l’évacuation de toute forme figurative, reproche que ces jeunes artistes en étaient venus à formuler à l’égard des Automatistes. L’exposition des vingt tableaux Plasticiens, des peintures, et quelques gouaches sur papier des années 1955 à 1959, faite en hommage à ces pionniers, a été rendue possible grâce au prêt d’un collectionneur visionnaire, monsieur Michel Brossard, qui a acquis, le premier, les œuvres de ces artistes dès le début des années 1980. Quelques rares prêts de la famille de Rodolphe de Repentigny ont complété cette présentation. Il faut savoir que l’inventaire des œuvres Plasticiennes est très restreint, la plupart des peintures et dessins ayant été fortuitement détruits, perdus, ou endommagés. Cette réunion est donc exceptionnelle, et ne pourra pas aisément être répétée à l’avenir.