La galerie Prospektas à Vilnius, en Lituanie, présente le travail de Michel Campeau jusqu'au 3 octobre. Pas facile de s'y rendre, avec la situation actuelle... Il nous fait donc plaisir de vous partager des images de l'accrochage!
L’exposition enchevêtre deux corpus d’œuvres. Extraits choisis au sujet de ceux-ci, dans les mots de l'artiste.
Série «La chambre noire, 2005-2010»:
«En choisissant de revisiter les lieux de la photographie argentique, j'ai opté pour l'esthétique de l'expert en sinistre qui, enquêtant sur le théâtre du crime, illumine de plein-fouet la quasi obscurité des lieux, le calfeutrage de la lumière parasitaire, la mécanique des agrandisseurs, le bric-à-brac électrique, le zigzag de la plomberie, les éclaboussures de sels d’argent, la corrosion des équipements et le compte à rebours des minuteries défiant la disparition du spectre panchromatique. Entre 2005 et 2010, j'ai photographié plus de 200 laboratoires, celles des artistes, des photographes et des laboratoires commerciaux, des agences de presse, des écoles d'enseignement, des musées, des centres d'archives et des photoclubs. Ce travail m’a mené de Montréal à Paris, en passant par La Havane, Toronto, Niamey, Berlin, Hô-Chi-Minh-Ville, Mexico et Bruxelles. Ce faisant, j’ai voulu souligner le caractère matriciel de la chambre noire, laquelle témoigne d’un espace de création sans équivalent parmi les technologies de reproduction, là où furent créées nombre d’œuvres emblématiques de l’Histoire de la photographie du XXe siècle, un regard sur la présence-absence, le travail et la domestication des lieux par leurs utilisateurs.»
Série «Gestes et rituels dans la chambre noire»:
«En tant qu’artiste et collectionneur, je réitère sous divers angles esthétiques et conceptuels mon attachement aux photographies, aux albums de famille, aux livres et aux archives iconographiques — au fondement de mes actes artistiques. Ici, contrairement aux fichiers stockés sur les disques durs ou synchronisés dans le iCloud, sur Instagram et dans les réseaux sociaux, les images anciennes doivent leur survie à l’existence de leur support matériel et à leur dispositif caractéristique: le négatif, le tirage, la diapositive et le Polaroid. Sans nostalgie réelle pour ce qui a été et qui sera tôt ou tard entièrement emporté par la fulgurance numérique, j’ai sauvegardé des « ruines », les traces, les débris, les scories et les résidus de la photographie analogique, les « traces » de ce lieu transitoire et incontournable de la création photographique, depuis l’avènement du daguerréotype jusqu’au règne centenaire de l’halogénure d’argent. En choisissant d’être le mémorialiste du caractère matriciel de la chambre noire — lieu à la fois dérisoire et névralgique du processus photographique, sans équivalence aucune parmi les technologies de reproduction, mais combien enivrants d’expérimentations, de ratés, de découvertes et de «révélations» —, j’ai centré mon attention sur les images des photographes anonymes, amateurs ou professionnels, déversées et achetées sur eBay ou dans les boutiques spécialisées de photographies anciennes que j’ai numérisés. Ultimement, je me suis retrouvé dans l’anthropologie du travail, l’historicité et les savoirs oubliés des rituels effectués dans la pénombre inactinique du laboratoire.»